De la vannerie à la valise
merci à Gilles Déroche
Les Vouzinois se demandent souvent quelle est l'origine des deux tourelles de style néogothique qui servent de portail à une propriété de la rue Gambetta.
Nous ignorons qui édifia cette étrange construction, mais nous avons reconstitué l'histoire des activités industrielles qui ont été exercées dans les bâtiments situés derrière ce portail.
Nous avons longuement traité de l'histoire de la Vannerie Vouzinoise dans "L'Artisanat en Argonne", mettant en évidence la prospérité de cette activité pendant "La Belle Epoque".
En 1910, Léon DESROUSSEAUX se rend propriétaire des bâtiments en rachetant la maison HUANT‑HOURDEAUX, spécialisée en vannerie. Plusieurs centaines d'artisans vanniers travaillent alors pour cette entreprise. Partageant la vannerie avec l'agriculture, ils ne peuvent fournir une production régulière, et ne sont pas capables de réaliser plus de deux objets différents. Les grossistes doivent donc disposer d'entrepôts pour constituer des stocks qu'ils écoulent sans rupture auprès de leurs clients, ainsi que d'ateliers employant des vanniers spécialisés, aptes à fournir des articles variés, à la demande..
Léon DESROUSSEAUX possède un atelier à Condé, et un autre à Vouziers, situé derrière les Tourelles.
Son entreprise prospère en proposant une vaste gamme à la clientèle : des paniers à champagne, des emballages à fruits, des berceaux, des mannequins, etc...
En 1920, Léon DESROUSSEAUX abandonne son affaire à ses deux fils, Maurice et Georges. L'entre-deux-guerres est une période de déclin pour la vannerie, et "DESROUSSEAUX Frères"est obligé de se reconvertir. En 1922, de la fabrication des valises en osier, on passe à la production en mallettes en fibre et fibroïne. I1 s'agit de carton recouvert d'une matière cellulosique. Cette industrie fournit de nombreux emplois féminins à la population vouzinoise. Le doublage en papier et en tissu est en effet effectué par des femmes.
En 1937 -1938, les deux frères qui ont des conceptions différentes en matière de fabrication et de vente se séparent. Cependant, ils refusent de se faire concurrence, et s'arrangent pour que leurs productions se complètent. Maurice produit des valises rivetées, et Georges des valises cousues. Signalons qu'ils décrochent un contrat intéressant avec Citroën qui leur achète des malles destinées aux B2 et B4, adaptées au galbe des carrosseries de ses véhicules.
Lorsqu'ils se séparent, les frères DESROUSSEAUX partagent leurs bâtiments. Maurice conserve la partie avec une ouverture donnant sur la rue Henrionnet, et Georges devient propriétaire de l'ensemble situé derrière le portail des Tourelles.
L'usine abandonnée est restée telle qu'elle était le jour de la fermeture, offrant le curieux spectacle d'un "atelier fantôme".
Vers 1960, les ateliers de Maurice DESROUSSEAUX furent loués à une usine de plastiques, puis transformés en garage. L'ensemble aurait pu être converti en garde-meuble, mais la proximité de l'hôpital qui interdit le bruit, rendit l'opération impossible.
L'architecture bizarre de l'ensemble mérite notre attention.
I1 s'agit en fait d'un vaste hall au toit arrondi, entièrement construit en béton armé, oeuvre du célèbre ingénieur né à Vouziers, Albert CAQUOT.
L'édifice construit en 1924 a été très endommagé à la Libération en 1944. Pendant l'occupation, les Allemands y avaient constitué un dépôt de munitions qu'ils firent sauter avant leur retraite. Afin d'édifier un étage supplémentaire, les propriétaires avaient dû renforcer l'ensemble par une charpente métallique. L'incendie des locaux a constitué pour l'architecture une expérience particulièrement intéressante. Les poutres métalliques s'étaient tordues, mais le dispositif en béton avait résisté, à la grande satisfaction d'Albert CAQUOT.
Les bâtiments furent reconstruits entre 1946 et 1948 pour abriter à nouveaux des ateliers.
La plus grande partie est aujourd'hui abandonnée, et son architecture étrange suscite la curiosité des Vouzinois.
Gilles DEROCHE
NDLR : La Ville de VOUZIERS a acquis l'ensemble Desrousseaux comprenant l'usine, les "Tourelles", la maison située près des "Tourelles" ainsi que le terrain compris entre l'usine, l'hôpital et la rue Gambetta.
Cet ensemble a accueilli des salles de cinéma, une bibliothèque, une salle d'exposition et une salle de répétition.
Les deux photos représentent les ateliers Derousseaux et elles sont de Gilles Déroche
merci à Gilles Déroche