DD - DORE DORE
La famille d’industriels marque de son empreinte la commune, de la mairie construite en 1920 par Philippe Saint-Ange Doré, maire de 1908 à 1931, jusqu’à l’église Saint-Nicolas de Fontaine largement entretenue (cloche, campanile, presbytère, peinture annuelle) par la famille Doré ou à l’église Sainte-Agnès des Grès, construite en 1956 (10) avec la dot d’Agnès, l’une des cinq filles d’André Doré, précocement disparue en 1939. Tout devient Doré-Doré à Fontaine-les-Grès.
L’église Sainte-Agnès, dessinée par Michel Marot (1956) |
L’église Sainte-Agnès dans les années 1960
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L’église Sainte-Agnès à la fin des années 2000
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Intérieur de l’église Sainte-Agnès
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Céramique d’Andrée Dienis
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Vitraux de Jean-Claude Vignes
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Michel Marot présente son œuvre lors de son classement à l’Inventaire des Monuments historiques en juin 2010 |
Dès 1872, Laurent Doré s’est préoccupé de l’embellissement de la voirie. Il prend à sa charge la plantation d’arbres le long de la route menant des Grès à Fontaine. Pour le remercier, le conseil municipal baptise la voie boulevard Doré.
Plaque de signalisation du boulevard Doré
(Cl. J.-L. Humbert, juin 2009)
En 1927, André Doré prend en charge la création de trottoirs le long de ce boulevard dans la partie comprise entre la route nationale et le futur groupe scolaire. En 1931, il autorise la collecte des eaux de pluie par le collecteur de l’usine dans la portion du boulevard Doré comprise entre le groupe scolaire et les habitations ouvrières situées près du stade.
L’entreprise prend en charge la création des rues nouvelles qui desservent ses lotissements : rue du Parc (1931), rue Mermoz (1937), rue du Stade (1939). Elle poursuit cet effort après la Seconde Guerre mondiale en offrant à la commune des bancs publics (1950) et le réseau de distribution d’eau potable desservant ses rues privées (1956-1957).
L’un des bancs publics offerts par André Doré à la commune de Fontaine-les-Grès
(Cl. J.-L. Humbert, octobre 2010)
L’entreprise fait profiter la population qu’elle n’emploie pas de son dispensaire, de son ambulance, de ses voitures pour divers transports. En 1931, André Doré précise aussi que : « Le concours de son service de protection contre l’incendie est acquis à la commune et à celles limitrophes. Il est constitué par une équipe de pompiers régulièrement entraînés et instruits. Cette équipe, qui s’est imposée d’elle-même une discipline militaire, est pourvue d’une moto-pompe s’adaptant à une voiture automobile. Elle peut se transporter rapidement sur les lieux d’un sinistre, et juguler rapidement l’incendie ».
En 1926, le ministère de l’Instruction publique et des Beaux Arts crée une école mixte à deux classes, dont une enfantine, au hameau des Grès par transfert de l’école de même nature du chef-lieu de la commune, lequel ne conserve qu’une école mixte à classe unique. Les Grès, partie industrielle de la commune, se développe en effet sans cesse, alors que Fontaine, partie agricole, reste stationnaire. En 1932, la mairie est d’ailleurs transférée de Fontaine dans une salle de la nouvelle école, avec le soutien d’André Doré.
Les travaux d’édification du nouveau groupe scolaire, conçu avec les idées les plus modernes par Fernand Scalliet, débutent en 1929 et s’achèvent en 1930. Sa couleur ocrée est typique des réalisations de cet architecte pour Doré-Doré… et pour Fontaine-les-Grès, puisqu’il est aussi l’auteur du monument aux morts.
André Doré prête 270 000 francs à la municipalité pour la construction (11), dont le devis atteint 750 000 francs, et lui abandonne 150 000 francs sur ce prêt, somme correspondant à la part à payer par la commune. Le 16 juillet 1930, le conseil municipal, « profondément touché de ce geste désintéressé exprime à M. André Doré sa profonde et vive reconnaissance pour cette nouvelle preuve de générosité en faveur de la commune ; décide que tous les membres du conseil iront ensemble faire une visite officielle au généreux donateur pour lui exprimer de vive voix, au nom des habitants de Fontaine-les-Grès toute la gratitude du conseil ».
L’école édifiée grâce à la générosité d’André Doré l’année de son inauguration en 1930 |
L’école actuellement |
André Doré, s’inscrivant dans la tradition instaurée par son aïeul Laurent Doré, offre la majorité des récompenses lors de la distribution des prix de fin d’année scolaire de l’école communale. Cette manifestation se déroule dans la salle des fêtes mise gracieusement à la disposition de la municipalité par la société Doré. Les voitures de l’entreprise sont prêtées pour les promenades instructives des écoles.
Depuis 1926, l’école de Fontaine accueille un cours d’orientation professionnelle, d’une durée de 3 ans, destiné aux jeunes de la commune, âgés de 14 à 18 ans. André Doré souhaite en faire des ouvriers spécialisés et des employés compétents. Le cours est assuré une fois par semaine par l’instituteur du village rétribué spécialement par l’entreprise. En première année, les élèves étudient
l’outillage industriel, la mécanique, les moteurs, l’électricité, les chemins de fer. En deuxième année, le programme comprend technologie commerciale et industrielle, chimie, engrais, matériaux, métaux, combustibles, textiles et céréales. En troisième année, il aborde la théorie commerciale, la comptabilité, l’arithmétique commerciale, les banques et le droit.
À la fin de chaque année, une récompense est attribuée aux élèves ayant suivi assidûment ces cours, sous la forme d’un voyage instructif dans des chantiers ou des unités de production. Si nécessaire, des conférences données par des spécialistes sont organisées, complétées par des projections de films instructifs. Chaque fois qu’une conférence intéressante est donnée, le soir, à Troyes, une voiture est mise à la disposition des élèves des cours professionnels afin qu’ils y assistent.
En 1929, un jardin d’enfants Doré-Doré est ouvert aux garçons et filles âgés de trois à cinq ans, dans les locaux de la pension Sainte-Marthe. Les bambins y sont reçus tous les après-midi, sauf le dimanche, de 13 h 15 à 18 h 30. Les enfants plus âgés y viennent en garderie après la sortie de la classe du soir. Une cotisation mensuelle de 3 francs est demandée aux parents. Chaque jour, à 16 h 30, un goûter est distribué. Cette œuvre, créée pour les enfants du personnel, est étendue par l’usine à tous ceux de la commune. Avec succès, puisqu’il faudra attendre 1986 pour que soit ouverte une école maternelle.
De surcroît, des cours de musique et de chant sont donnés régulièrement par un professeur appointé par l’usine et des leçons particulières sont proposées aux enfants du personnel. Les jeunes filles qui le désirent apprennent la couture et la coupe. Les cours sont sanctionnés par une exposition des travaux effectués dans l’année.
L’existence de ce jardin d’enfants, d’une garderie pour les jeunes scolarisés dans le village et d’un patronage de vacances, qui fonctionne depuis 1929 pour les filles et les garçons en août et septembre, facilite l’emploi féminin.
(10) L’église Sainte-Agnès est l’oeuvre de l’architecte Michel Marot, neveu d’André Doré. Issu d’une famille d’importants teinturiers troyens, il est passionné par l’architecture religieuse. André Doré fait construire l’église sans consulter la commune car il s’agit pour lui d’un souvenir familial. En même temps, il souhaite que son parvis devienne la place du village. Il témoigne d’une grande ouverture d’esprit en laissant carte blanche à son neveu. Ce dernier lui a été conseillé par Maurice Novarina (1907-2002), l’architecte de sa maison d’Évian et figure majeure de l’architecture du XXe siècle auquel on doit la construction de vingt-six églises. Cependant, pénuries d’après guerre aidant, André Doré a le souci d’être le plus économe possible. Michel Marot doit utiliser le stock de tuiles dont dispose l’usine. Les bancs de l’église sont fabriqués par les employés de DD. Les parties métalliques sont élaborées par les proches Établissements Jouffrieau de Neuville-sur-Vanne. La réalisation de Michel Marot reçoit l’Équerre d’argent en 1963 (informations recueillies lors d’un entretien avec Michel Marot à Paris, le 24 avril 2009). L’église Sainte-Agnès est classée au titre des Monuments historiques depuis le 31 mai 2010. Le 23 juin 2010, ce classement a fait l’objet d’une visite de l’édifice, organisée par la DRAC en présence de Michel Marot.
(11) Arch. dép. Aube, 2 O 1518 et 1519, Fontaine-les-Grès, Mairie École.
@SCEREN - CRDP de Champagne-Ardenne, 2011